Saturday, November 19, 2011

LE CAMP DES SAINTS de Jean Raspail.

Il est des chroniques difficiles à écrire, celle-ci en est une. Elle s'efforce de rendre compte d'une lecture en toute objectivité. 


« Par son lexique, sa brutalité et ses provocations, le Camp des Saints est assurément un ouvrage d’extrême-droite. » Jérôme Dupuis, l’express le 6 avril 2011
Il est certains ouvrages dont l’évocation suscite des prises de position, des tollés de l’opinion publique. Le Camp des Saints de Jean Raspail est l’un de ces ouvrages prompts à susciter l’ire d’une partie de l’opinion publique et à s’attirer les lauriers d’une autre, preuve que notre société est traversée par une ligne de faille.

Commençons par le commencement : un résumé de l’histoire.

A l’origine, un millions d’Indiens pauvres embarquent sur une flottille de navires qui n’en ont que le nom. En fait ce sont des épaves flottantes, héritées de la colonisation. Assez de la misère, assez de voir leurs enfants dépérir, ils décident de fuir leurs bidonvilles et de gagner le riche Occident. Ils partent car ils savent que s’ils restent chez eux, il n’y a aucune issue, juste la mort habituelle… Injuste. Ils partent, guidés par une Foi absolue. Le Temps du "dieu blanc" est fini, place au Leur.
De l’autre côté, l’Occident blanc, je précise d’emblée cette nuance car elle est d’importance, accueille cette nouvelle sans savoir comment réagir. Peut-on décemment refuser à ces malheureux le droit d’accoster sur nos terres ? Peut-on être égoïste au point de ne pas partager ? Peut-on ordonner à ces hordes de rebrousser chemin quand leurs propres autorités s’en délestent comme l’on se débarrasse d’un fardeau ? Comment les accueillir ? Où les accueillir ? Car ils sont multitude, légions… Et personne n’en veut, mais soyons hypocrites !
Et si on les accepte, n’en viendra-t-il pas d’autres de ces crève-la-faim ? Il n’en manque pas, on en parle depuis des décennies !!! sans rien faire évidemment....
Tandis que les politiques tergiversent guidés par les sondages et les éditorialistes, que l’opinion publique boit jusqu’à la lie à la coupe de médias bien-pensants, droits de l’hommistes dirait-on aujourd’hui de façon péjorative, la société occidentale va constater toute sa vacuité, sa lâcheté, sa démission.
Jean Raspail a écrit le Camp des Saints en 1973, bien avant les débarquements de réfugiés à Lampedusa… Depuis, ce roman a été réédité à plusieurs reprises, traduits dans plusieurs langues (Pologne, USA, Afrique du Sud évidemment…)


 Et son fond ?
Disons le d’emblée, Raspail écrit dans un style percutant, très fort, insoutenable parfois. Il ne met pas en scène de vrais héros, juste des Français (un prof de lettres, des militaires, des ecclésiastiques, le président de la république, beaucoup de journalistes - universalistes, nationalistes- un couple d’ouvriers Marcel et Josiane dans leur HLM…). Tous sont blancs et représentent un monde sur lequel Raspail porte un regard plus que critique. Lorsqu’il les dépeint, c’est de façon acerbe pour montrer leur faiblesse, leur renonciation ou au contraire leur collaboration avec la horde qu’il dépeint comme l’ennemi.
En fait à l’exception du prof de lettres qui butera un gauchiste venu le narguer, à l’exception de quelques personnages comme un quarteron de militaires, un ancien colonisé, personne ne trouve grâce aux yeux de Raspail.
L’armée en général ? Depuis 40, elle n’est que l’ombre d’elle-même, clame-t-il. Prompte à tirer au dessus de l’ennemi… (je cite de mémoire)
Les ecclésiastiques ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, ne comprennent pas le danger… veulent se faire voir. Etre considérés comme des saints. Les ouvriers sont trop heureux de vivre dans un appartement confortable quand leurs voisins arabes s’entassent dans un petit deux pièces. Pourtant convaincus par les médias, ils participeront à une sorte de grand messe médiatique pour recueillir des fonds destinés aux réfugiés. Ils suivront le troupeau.
La gauche ne trouve aucune grâce aux yeux de l’auteur, elle est la Bête, celle de l'Apocalypse. Celle qui permet aux légions d’entrer dans la nouvelle Rome. Les journalistes participent à saper les fondements de la société traditionnelle. Ils insufflent dans le quotidien ce que Pascal Bruckner qualifie de Tyrannie de la Pénitence, la repentance exacerbée pour les crimes passés.
Raspail a le verbe crû, acéré, trop quelquefois où la haine viscérale sourd soudain au détour d’un paragraphe.  Car l’autre pue, il est abject. Déshumanisé. Une bête rêvant d’échapper à sa prison.
Ce livre, l’auteur l’a écrit avec ses tripes, on le sent, on ne peut pas lui nier cette intégrité. Mais il omet certains détails notamment sur le laisser-faire des politiques, les corruptions etc…

A mesure que la flotte progresse vers une Europe totalement dépassée, Raspail dépeint l’évolution des deux sociétés. Celle des bateaux où l’on ne reculera plus, où l’on n’acceptera plus des mains tendues, signes de charité. Où l'on se forge une conscience collective.

Et l’autre société, celle des nantis qui cachait ses pauvres dans les caves, celle des nantis aux bras lourds qui refusaient d’accomplir les tâches difficiles, celle des nantis qui ne sait pas comment réagir et s’effondre de façon médiocre sans orgueil.  Personne ne réchappera à cet écroulement et les plus faibles, les femmes notamment, paieront le prix fort.



Alors que penser de ce roman ?

Il a été écrit, il y a presque 40 ANS ; Pourtant il est plus que jamais d’actualité. La misère pousse déjà des milliers de personnes sur les mers pour gagner une société qu’elles pensent riche et conforme à leurs aspirations. Et le retour à la réalité est souvent source de déchirement, de fossé qui se creusent davantage encore.
Sur un site web, un lecteur disait « Raspail ne propose aucune solution. » ce n’est pas son rôle ai-je envie d’écrire. Il montre avec sa sensibilité à laquelle on adhère ou non. Après tout, chacun lira ce roman avec son histoire personnelle. Les lecteurs sont des personnes capables de raisonnement.
Ce qui est sûr, c’est que le Camp des Saints est un sacré coup de poing dans la gueule du lecteur, il brise la mer gelée en nous. Personnellement, je l’ai dévoré avec cette sensation de malaise chevillée au ventre.
Le Camp des Saints est donc un ouvrage prompt à susciter la polémique, à alimenter la discussion, la dispute. Mais il vous appartient ou non de le découvrir, de le conseiller à vos amis. Au risque de les perdre ?


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