Un auteur célèbre grâce à une série de romans à l'eau de rose et qui entend passer à autre chose.
Un accident de la route.
Une fan psychologique instable qui le séquestre et entend qu'il ressuscite son héroïne favorite.
Voilà l'histoire de Misery.
***
Beaucoup d'entre vous ont vu le film qui est très bon.
Mais aujourd'hui, je vais tenter de vous parler de mon ressenti par rapport au roman.
Misery c'est une ode à l'écriture, une tentative d'analyse de cette activité masturbatoire et sans concession. En effet, l'auteur est comme ce héros grec qui aspire à l'éternité, mais pour ce faire doit faire des sacrifices. C'est surtout la manifestation de notre ego de créateur.
C'est un artisan qui lutte contre lui-même. Chaque phrase, chaque développement de l'intrigue le renvoie à ce fameux "SAURAS-TU", nécessaire à la poursuite du livre. Et si un élement est mauvais, l'oeuvre l'est aussi. Il faut fignoler chaque mot, chaque développement, chaque sentiment. Et au fur et à mesure du roman, l'acte de sacrifice de Misery perpétré par Paul Sheldon devient un crime contre l'héroïne qui le fait vivre, mais dont il s'est servi de façon alimentaire
Annie, dans toute sa furie, sa folie, lui oppose une version de pureté de l'écriture. Pour elle, Misery vit, c'est sa raison de vivre, c'est ce qui l'aide à tenir. Elle est comme l'autre fan qui a écrit à Paul en lui présentant son musée dédié à Misery et qu'il a traité par le mépris. L'auteur a une responsabilité vis à vis de ses lecteurs. Il nourrit leur imaginaire, leur offre cette évasion qui empêche la vie d'être une confrontation aux autres. Et pour Annie, cette évasion, c'est Misery. Il est donc inconcevable qu'elle meure car sinon, elle-même n'a plus de raison de vivre. Elle ne peut pas appréhender l'idée selon laquelle son auteur préféré a envie de passer à autre chose. Il est la plume de Misery, rien de plus.
Et malgré sa cruauté, malgré le déchainement de violence, elle offre à Paul une certaine rédemption. Elle va lui montrer ce qu'est l'écriture. Son essence. Sa quintessence ai-je envie de dire.
Misery n'est plus un produit écrit à la chaine, d'ailleurs elle refuse la première version en laquelle lui-même ne croit pas. Une copie d'élève torchée, voilà ce qu'il a généré, produit. Paul en est vite conscient. Pas question de jouer les feuilletonnistes et de tromper les fans.
Ecrire est sérieux, c'est enfanter.
Ecrire, ce n'est pas produire, c'est mettre ses tripes, son âme dans les pages.
Et à mesure que les jours de captivité s'écoulent, malgré les tortures, Paul commence à aimer Misery. Non pas parce qu'il est comme une Shéhérazade tentant de sauver sa peau grâce aux mots, mais parce que Misery lui offre à son tour l'évasion d'un univers dément. Elle le confronte à lui-même, elle lui fait toucher ce côté quasi-divin de la création. Il se pose des questions, veut aller plus loin, ressent la fierté de donner la vie à un bon livre. Finaement Misery n'est pas qu'une série pourvu qu'il s'en donne la peine. Pourvu qu'il se dévoue à elle.
D'ailleurs à la fin, à l'inverse du film qui n'a pas compris la thématique du roman ou n'a pas su la saisir car elle aurait effrayé le spectateur lambda qui n'ouvre jamais une page (oui je suis méchant, mais c'est important), il ne sacrifie pas le manuscrit né de sa captivité, de son passage au purgatoire.
Pour moi, Misery, c'est un roman qui traite de l"évolution du rapport de l'auteur à son oeuvre. La captivité de Paul est symbolique. Quel est le pourcentage de chance d'être pris en charge par une fan ?
King aurait très bien utiliser un psychopathe désireux de s'approprier le livre de Paul, mais ça n'aurait pas marché. Annie, elle, veut le livre pour elle.
Paul écrit d'abord pour Annie, puis il évolue et n'écrit que pour lui, trouvant dans cette activité une jouissance intellectuelle. King entretient le mythe selon lequel l'auteur éccrit d'abord pour lui. Quelque part, c'est vrai, mais un auteur sans lecteur n'est rien.
Un auteur est un démiurge et cela aucun romancier ne devrait l'oublier...
No comments:
Post a Comment