Friday, July 14, 2017

Les 400 coups du Kronprinz, Jacques Thelen

Trois restaurateurs assassinés sur la côte picarde, peut-être guillotinés et Clemenceau entre dans une colère folle.
Et s'il s'agissait d'un complot visant à protester contre la non application de la peine capitale par le président Fallières...?
Une seule solution : dépêcher sur place un excellent flic Lemercier, une aide précieuse pour ce policier Deibler : le bourreau.
Et pendant ce temps, désireux de chasser autant les proies que la gente féminine, le fils du Kaiser a décidé de prendre quelques jours de vacances sur place.

Je ne sais pas ce que vous attendez lorsque vous plongez dans un livre. Moi j'attends d'être entraîné, happé, et si j'y apprends quelque chose je suis ravi.

Eh bien les 400 coups du Kronprinz, c'est tout ça à la fois !!! UN ROMAN DYNAMIQUE / TRUCULENT / DEPAYSANT

Dans une mise en scène excellente, servi par des dialogues truculents (oui je me répète, mais ce mot c'est le dynamisme français, la richesse de notre langue par opposition à une uniformisation stupide) qu'on croirait sortis de la série les Brigades du tigre (la série, pas le film daube avec Cornillac), Jacques Thelen nous emmène en Picardie, près de le Crotoy. On se plonge dans le début du XXème, lorsque la côte s'avère lieu de villégiature pour des personnes fortunées... Ce qui n'empêche pas la population de rester à l'écart de cette effervescence. Pêcheurs, marins, personnel de maison n'y parlent d'ailleurs que le picard. Quoique ces dames de la haute société s'offrent parfois à de beaux hommes virils.
Dans ces lieux retirés, la technique peine à pénétrer, ce qui permet de découvrir une enquête à l'ancienne.
Thelen sait rendre les lieux vivants et si ce roman est catalogué régional, je trouve cette étiquette réductrice. Bon sang, on vous décrirait le Mont Saint Michel, vous seriez aux anges, idem si on vous parlait d'un obscur fjord... Là la Baie d'authie devient vivante, visuelle, avec ces phoques, ses plages, ses ports, ses odeurs, son architecture si particulière. La Baie d'Authie, c'est beau !
Et puis il y a Deibler, les informations sur la guillotine, savamment utilisées... Et l'amour de la bonne chère !

Ah j'allais oublier, non c'est faux, le contexte, la venue du Kronprinz, qui permet de voir la montée des périls... sur fond de complots...

De nos jours, il y a les romans qui se contentent de reprendre les mêmes recettes, qui bénéficient d'un marketing efficace, d'un diffuseur agressif qui va les placer jusque dans les supermarchés, qui cartonnent en librairie, parce qu'on les achète une fois l'an (au bon moment avant la fête des mères, en novembre, avant Noël) et puis il y a des perles. Vous savez ces futurs bijoux qui restent dans les huîtres sauvages. Pour moi Les 400 coups du Kronprinz, c'est une perle, un roman qui mérite de dépasser le cadre régional pour être découvert par des lecteurs de partout. Un roman qui va se dévorer.
EXCELLENT.

Sunday, July 02, 2017

Dompteurs d'ange, Claire Favan, La bête noire

Parce qu'il a été incarcéré à tort, parce qu'en prison, il a servi d'exutoire aux autres prisonniers, Max Ender décide de se venger d'une manière toute personnelle. Il va kidnapper les enfants de ses bourreaux et les retourner contre eux, contre la société.


J'ai déjà dit tout le bien que je pensais de Claire Favan, cette romancière née en 1976.
D'ailleurs je vous l'avais interviewé pour ce blog voir ici

Dans Dompteur d'anges, elle frappe très fort. Une erreur judiciaire, un enchaînement de violence, une victime qui devient bourreau, décide de se venger. La première partie de son roman est d'une intensité surprenante, je le concède.
Le postulat de départ m'a vraiment scotché et la vengeance de Max Ender qui suit sa dégringolade est vertigineuse.

Puis le roman bascule dans une seconde partie, une marque de fabrique de Claire Favan que l'on avait découverte dans le tueur intime par exemple où le tueur disparaissait pour commettre ses crimes.

Je n'en dirai pas trop pour ne pas dévoiler le suspens, mais là j'ai eu un peu de mal à me remettre dans l'ambiance.
Pourquoi ?
Ce n'est pas mal écrit, loin de là, mais peut-être en aurai-je voulu davantage dans la première partie, ou alors une vrai continuité qui aurait été difficile à mettre en scène je le concède.

Par la suite, le roman reprend son rythme de croisière, on sent arriver un truc ou deux, mais c'est prenant, happant comme un tgv lorsqu'on se tient sur le bord du quai. Simplement, oui je vais paraître pénible, j'ai eu l'impression qu'à vouloir happer à tout prix, Claire Favan se sent obligée de pratiquer la surenchère alors que non, cela ne s'impose pas vraiment. Son intrigue est béton, ses personnages auraient gagné à davantage de profondeur encore, je pense à l'un des héros broyé dans l'étau du mensonge pour lequel on se sent pris de sentiments ambivalents.




Alors que penser de Dompteur d'anges ?
C'est un très bon roman, on ne peut pas le nier, mais j'espère simplement que Claire Favan ne tombera pas dans le piège de la surenchère pour les prochains, parce que ce serait dommage. Il est des horreurs psychologiques qui terrifient davantage. Perso, je suis convaincu que Claire Favan saura nous surprendre avec son prochain bébé de papier, mais nous surprendre d'une autre manière que dans le tueur intime, en jouant sur une autre construction, en nous prenant à contrepied...

Je vais juste conclure avec une agréable impression sur la collection la Bête noire. La mise en page est agréable, la police de caractère idem, c'est un très bel objet livre et le prix reste abordable.