Tuesday, March 15, 2016

SURTENSIONS / OLIVIER NOREK

Le dernier Olivier Norek sortira le 31 mars, j'ai eu le plaisir de lire les épreuves non corrigées....


Un centre pénitentiaire, des détenus terrorisés par des congénères violents, une administration dépassée ou parfois corrompue... L'enlèvement d'un jeune Juif dans une cité de la banlieue parisienne... Une équipe de flics menée par Victor Coste qui tente de maintenir un semblant de présence étatique dans une société violente, partant en vrilles...

Difficile de résumer le dernier Norek. Si ce n'est que c'est un roman éclaté en apparence.
Les intrigues si distantes au départ nous montrent une France mise à mal par des coupes budgétaires (pénitentiaire, police, justice), par l'abandon de l'autorité rassurante, par un laisser aller, par une Justice dépassée par de nouvelles formes de criminalité nées de la crise, de la médiatisation d'affaires violentes, par l'argent facile.

Car en fait tout tourne autour de cette notion de plaisir facile, de céder à ses pulsions. Que ce soit l'enlèvement, le meurtre, le vol, le plaisir pervers, Norek pointe les travers d'une société où le libéralisme, l'instantané et le relativisme des moeurs conduisent à transformer des individus en criminels. Où l'arme devient prolongement de personnes sans doute, à la morale effacée.

A côté, Coste et son équipe font figure de personnalités usées, dépassées par cette ambiance, par cette possibilité d'être lynchées médiatiquement ou par des supérieurs carriéristes. Et puis la vie d'un flic qui se prend toute cette misère intellectuelle ou sociale en pleine tronche n'est pas simple. Les retrouvailles sont une manière de lutter contre la pression. Mais sitôt seul, on redevient un homme ou une femme.



Dans la prison, il y a les codes de prisonniers, leurs règles qui dépassent celles de la République. Celle-ci semble en retrait. C'est violent, c'est cru, c'est le constat d'un échec. C'est un roman sombre. Le constat d'une époque. Pourtant au milieu de cette société à part émerge parfois un hommage, une reconnaissance... Tout ne serait donc pas perdu ? Ou alors tout n'est-il donc qu'une question de respect que l'on gagne ?

Puis peu à peu, les pièces du puzzle vont s'imbriquer, emportant les personnages dans la folie, dans la violence, dans le dégoût. C'est beau, c'est un opéra, c'est puissant, vibrant. On dévore ce roman plus que Territoires qui était déjà un excellent roman. Il n'y a aucun temps mort.

Olivier Norek a construit Surtensions comme un thriller efficace avec plusieurs enquêtes qui nous montrent différentes facettes de la société criminelle. Les chapitres sont bien calibrés, les émotions sont intenses, le doute nous tiraille. Les relations entre les personnages résonnent en nous. Rien ne nous est épargné, mais pas dans un souci de nous choquer, plutôt de nous réveiller je dirais. Existe-t-il encore des limites ???



Volontairement, je n'en dévoilerai pas davantage, mais Surtension est à mon avis le meilleur Norek. Un roman que l'on devrait faire lire à tous nos politiciens démagogues aux donneurs de leçons, un roman qui révèle une société fissurée, fracassée..

Bravo Olivier et je te fais confiance pour que les prochains soient encore meilleurs.

Friday, March 11, 2016

Satan était un Ange, Karine Giebel

D'un côté, François, avocat atteint d'une tumeur cérébrale incurable.
Une vie foudroyée en pleine gloire, en pleine quête de valeurs d'un siècle qui se cherche, c'est à dire un homme persuadé jusqu'ici que la vacuité ambiante est la norme.

De l'autre, Paul, un jeune homme qui trimballe un passé lourd comme le plomb...
Un jeune homme qui fuit, mais quoi ? Qui ?


Il est des romans qui vous touchent parce qu'à un instant T de votre vie, ils vous frappent au coeur.

Le cancer, une maladie si répandue, si commune et pourtant toujours destructrice... Avec des diagnostics très variables.
Karine Giebel a choisi de mettre en scène un homme qui sait qu'il va mourir, qui réalise soudain combien la vie ce n'est pas que le fric et la gloire... Mais lorsqu'on réalise, c'est souvent parce qu'il est trop tard. Parce qu'on n'a plus que les larmes à verser... Et la colère contre soi même. Contre ce que l'on a loupé.

Un soir, François, qui va il ne sait trop où, embarque Paul un paumé et peu à peu un étrange lien se tisse entre ces deux êtres que rien n'aurait dû réunir. Un lien de violence, de meurtres car on est chez la Maîtresse du Thriller.



A l'inverse de ses autres ouvrages très violents, Satan était un Ange est un livre qui vous parle à l'âme. Bien sûr, il y a les péripéties, le parcours sanglant de Paul, mais à côté, il y a cette mise en abime avec François. François qui rachète, qui sauve, qui après avoir été un représentant voire le parangon d'un système merdique (je simplifie à l'extrême), devient un phare pour un gamin paumé.

Toute la force de Satan était un ange réside dans ce lien unissant les protagonistes, dans l'authenticité des réactions de François face à la maladie, à ses symptômes... Colère, rancoeur, dépit.

Quant à Paul, c'est la représentation de la jeunesse pervertie par notre société, gavée de fric, de facilité, réagissant aux coups de la vie... Servant un système qui l'a asservi.

Le roman est brillant, un style épuré, des rebondissements comme il en faut.
Mais avec Karine Giebel, on se retrouve devant une technicité invisible (j'entends par là que l'auteur utilise d'artifices que vous ne voyez pas venir et qui vous transporte)

En résumé, Satan était un ange est un roman à part dans l'oeuvre de Karine Giebel, un roman brillant car teinté d'une humanité authentique. Un roman qui parle d'espoir lorsqu'il n'y en a plus.