Sunday, March 24, 2019

Le Manufacturier, Mattias Köping, RING EDITIONS

Le Havre, des trafiquants de drogue qui ont gangrené certains quartiers, qui se sont partagés un marché et entendent le conserver.
Pour cela l'intimidation et le meurtre s'avèrent des arguments décisifs. Malheureusement pour eux ils se trouvent face à un flic sans limite Radiche.

Le dark web : cet envers du net, le libéralisme poussé à son paroxysme avec au menu meurtre, violences et toutes les déviances possibles. C'est l'espace de jeu du Manufacturier, un tueur sadique.

Les années 90, la Yougoslavie en pleine guerre civile. Meurtres de masse, violence, viols, exécutions, sommaire, nettoyage ethnique.



Difficile de résumer le Manufacturier, le second roman de Mattias Köping.

Commençons par parler de l'auteur. En deux romans, Köping s'est fait une place dans le thriller français (et je l'espère bientôt international). Sa marque de fabrique, aucune concession, une violence du quotidien qui heurte, secoue. Je me souviens d'un sujet de français au bac où Kafka disait la littérature doit être la hache qui brise la mer gelée en nous. Sauf que Köping, c'est pas la hache, c'est carrément le shrapnel, cette arme de salopard qui bousille, mutile. Avec Köping, on s'en prend plein les dents, on est touchés de partout, parce que l'auteur appuie là où ça fait mal, avec une distanciation suffisante pour nous laisser, juge, bourreau, lâche. La politique, la compromission, la veulerie humaine, tout transparaît dans son oeuvre.
Bref, c'est un auteur qui a des choses à raconter, qui interpelle son lecteur. Mais celui ci doit avoir le coeur bien accroché, car la violence est vue comme un insecte observé par un entomologiste, sous toutes les coutures.


Dans le Manufacturier, l'auteur suit les pas des victimes de guerre, femmes violées, enfants souillés, survivants. Les criminels pourront être châtiés par l'Europe, il n'en demeure pas moins que certains restent protégés dans leur pays. Et c'est là que le roman s'avère réaliste. Non, il n'y a pas de guerre civile sans conséquence, pas de haine qui s'éteint avec des accords de cessez le feu, sous une pluie de bombes.
Il dépeint une enquêtrice bien décidée à faire triompher la justice, quitte à se bousiller, à subir le martyre.
Des criminels de guerre sans remords, des hommes dépourvus d'empathie, pour qui la jouissance et/ou l'argent s'avèrent l'unique source d'intérêt.

L'intrigue, fort bien construite, va nous balancer d'une victime de guerre à un flic sans limite, Dirty Harry, en passant par une enquêtrice sur le fil du rasoir et enfin va nous emmener dans la tanière du Manufacturier qui prend un malin plaisir à mettre en scène ses meurtres. Ne vous inquiétez pas sur les noms des protagonistes, à la longue, ils deviendront des compagnons.

Les personnages ont leurs forces, leurs faiblesses, leurs convictions, leur empathie ou non.
Toute leur psychologie est amené par notes subtiles ou par des scènes qui vous riveront sur votre siège. C'est violent, c'est hyper violent (parfois trop de détails à mon sens), mais on est scotchés à son siège. On veut savoir comment tous ces combattants finiront par se rencontrer, s'ils se rencontreront d'ailleurs. On a l'impression d'être à la veille d'une guerre sans limite, mais une guerre sans vrai héros, jsute avec des guerriers, des soldats...

Et plus l'histoire progresse, plus l'intensité dramatique va crescendo.
Car le Manufacturier, c'est surtout cela : un roman sans temps mort, où les rebondissements se succèdent, une tragédie.
Certaines scènes vous prendront aux tripes (la pieta), d'autres vous feront grincer les dents, car la veulerie humaine est partout, car chez Köping, l'homme est faible ou tiraillé par des faiblesses insurmontables.



Avec le Manufacturier, Köping offre une nouvelle fois un TRES BON LIVRE, une histoire qui interpelle, nous secoue. Un livre très bien écrit avec un vocabulaire assuré et riche, un hommage à la langue française car il va passer du langage populaire au langage le plus élitiste...
La réalité est le pire des cauchemars, pas de doute là dessus.
Curieux de savoir où l'auteur nous emmènera la prochaine fois, en espérant qu'il saura nous instiller une émotion rédemptrice au travers de toute cette violence.



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