Des genres de l'imaginaire au policier, ne laissez pas la vilenie et la bassesse du monde vous contaminer, ouvrez votre esprit, votre âme.
Friday, September 27, 2013
Jean-Christophe CHAUMETTE / Vampire, mythes et arpenteur de monde
Salut Jean Christophe, tu écris depuis la fin des années 90. J’ai vu que tu avais publié de la fantasy, du fantastique... As tu un genre de prédilection ?
C’est gentil de me rajeunir, mais en fait j’ai commencé à être publié à la fin des années 80. Mon premier roman, « Le Jeu », est paru en 1989 ; du Fantastique, chez Fleuve Noir. Et dans la foulée, chez le même éditeur, « Le Neuvième Cercle » est sorti en six tomes en 1990 et 1991 ; de la Fantasy, cette fois-ci (Techno-Fantasy pour les amateurs d’étiquettes) Donc dès le départ j’ai varié les plaisirs. D’autant plus que le roman suivant, « Le Niwaâd », publié toujours chez Fleuve Noir en 1997, est de la SF. En fait, j’aime la littérature de l’Imaginaire, déclinée sous toutes ses formes. Plus exactement, je recherche l’évasion à travers l’écriture. Je cherche à m’éloigner du quotidien. J’ai écrit un roman historique publié chez Ramsay, sous pseudo car les éditeurs de littérature générale n’ont pas forcément une grande considération pour la « littérature de genre » que représente pour eux le triptyque SF-Fantastique-Fantasy. « Le pays des chevaux célestes » est sorti en deux tomes en 2007 et 2008. Là je suis sorti du champ SFFF, mais c’est de l’évasion à l’état pur, une histoire qui se déroule au IIème siècle avant JC, entre la Chine et les steppes de Mongolie et d’Asie centrale.
Maintenant, si on considère le nombre de romans dans un genre précis, et les prix littéraires reçus, on peut quand même conclure que la balance penche légèrement vers le Fantastique.
Et si oui pourquoi ?
Difficile d’analyser les raisons. Pour moi, l’écriture c’est un peu du « channeling », un truc quasi-médiumnique. Une histoire me trotte dans la tête, m’obsède de plus en plus, et « doit » absolument prendre forme. Il se trouve que davantage d’histoires à connotation fantastique ont vu le jour dans mon cerveau. Mais pourquoi ? J’ai de la peine à répondre. Disons que pour moi l’intérêt de la Fantasy réside beaucoup dans la création d’un univers. C’est un genre qui se prête bien aux longues sagas à travers lesquelles l’auteur développe et fait foisonner cet univers. C’est ce que j’ai essayé de faire à travers la saga du « Neuvième cercle », éditée, rééditée et prolongée à l’occasion de chaque réédition. J’ai repris le même décor, utilisé les mêmes personnages, greffé des histoires nouvelles. Parfois une seule phrase dans un tome permet d’engendrer tout un monde dans un tome ultérieur. Mais je suis resté en compagnie du même personnage central, à l’intérieur du même univers.
Le Fantastique (comme la SF d’ailleurs), se prête davantage, selon moi, à la création d’histoires différentes. Pour faire un parallèle avec le cinéma, dans le Fantastique, le scénario est primordial. La Fantasy est aussi beaucoup affaire d’acteurs, de costumes, de décors, de mise en scène. Mais le Fantastique, c’est du scénario, avant tout. C’est peut-être la raison pour laquelle j’ai globalement écrit plus d’histoires fantastiques. Cependant j’ai horreur des étiquettes et j’adore le métissage, dans tous les domaines. Je n’ai pas pu m’empêcher de mettre une (toute petite) pincée de Fantastique dans mon roman historique. Et mes romans fantastiques ont souvent une « attache SF ». Si « Le jeu » ou « Les sept saisons du Malin » sont du Fantastique pur, ce n’est pas le cas de plusieurs autres romans. « L’Arpenteur de mondes » est aussi une histoire sur le futur des jeux en réseau et l’univers virtuel. « L’Aigle de sang » s’appuie sur des travaux scientifiques concernant les états modifiés de conscience. « Le Dieu Vampire » évoque un cycle parasitaire à l’échelle cosmique, un « métissage SF » que certains puristes du Fantastique ont pu regretter. Quant à mon dernier livre publié, « Le Maître des ombres », je serais moi-même incapable de choisir pour lui une catégorie, SF ou Fantastique.
Ta carrière trouve ses sources au siècle dernier, comment ressens tu l’évolution éditoriale ?
Je ne suis certainement pas la personne la plus qualifiée pour évoquer ce sujet. Je ne suis pas un écrivain de métier, dans le sens ou je ne gagne pas ma vie en écrivant. Je suis un vétérinaire qui a une passion, celle de l’écriture, en marge de son boulot. En 25 années pendant lesquelles j’ai écrit à temps partiel, je n’ai jamais eu des contacts très étroits avec le monde de l’édition. J’ai maintenant conscience que cela m’a plutôt desservi pour ma « carrière » d’écrivain, mais c’est ainsi. Je n’avais pas matériellement le temps pour faire mon travail de véto, écrire, et en plus voir mes éditeurs régulièrement et écumer les salons.
Par conséquent, je suis un observateur assez lointain de l’évolution éditoriale. J’ai une sorte de discours de « vieux con » sur la question. (genre : « c’était mieux aaaavant », avec l’accent de Francis Cabrel) Lorsque j’ai commencé, l’informatique n’existait pas. Mes premiers romans ont été écrits à la main, et tapés sur une antique machine à écrire par mon épouse ; puis photocopiés en X exemplaires dans une boutique qui fournissait ce genre de prestation dans les années 80. Inutile de préciser que ce type de démarche demande un degré de motivation bien supérieur à celui qui consiste à taper une histoire sur un clavier de PC (ce que je fais désormais comme tout le monde, je ne suis pas non plus réac à ce point) C’était incroyablement difficile de trouver un éditeur en envoyant des manuscrits par la Poste, mais c’était possible. Désormais je ne crois pas que cela puisse encore exister, tant les maisons d’édition doivent être submergées par les manuscrits. La difficulté initiale de la démarche « je veux devenir écrivain » ayant disparu, tout se passe comme si les digues qui canalisent un fleuve s’étaient effondrées. Les écrivains sont partout, derrière chaque écran de PC. Les romans submergent l’espace éditorial comme l’eau d’un cours d’eau en crue. On patauge dans la flotte. Il y a sûrement de bonnes choses au milieu de ce déluge, mais c’est moins évident à découvrir. Du coup, je constate que certains éditeurs ont tendance à se tourner vers les « vieux » auteurs, ceux du temps de la préhistoire informatique, en se disant que ces rescapés de l’âge des cavernes ont, après tout, été capables de survivre dans un environnement assez rude, et que c’est finalement un critère de sélection qui en vaut un autre.
En tous cas, le livre papier n’est plus seul. Il ne disparaitra pas, j’en suis sûr, mais il n’est plus seul. Il devra évoluer pour demeurer un « objet attractif ». J’essaye de penser à des solutions pour cela, en ce qui concerne mon prochain roman à paraître chez Voy’el, avec l’aide de Corinne Guitteaud qui partage mes analyses sur l’évolution du livre.
J’ai eu le plaisir de te découvrir chez Lokomodo, avec les excellents aigle de sang et L’arpenteur des Mondes. Ces livres sont parus, il y a quelques années dans l’excellente (moins Anne Rice), collection pocket terreur. Comment as tu été publié par le regretté Patrice Duvic ?
Patrice Duvic est une des belles rencontres que j’ai pu faire dans le milieu de l’édition ; quelqu’un qui avait une grande valeur humaine. Je l’ai rencontré par l’intermédiaire de Marc Duveau, un autre mec bien que j’ai eu l’occasion de revoir récemment. Même s’il s’est complètement éloigné du milieu de l’édition, nous avons toujours conservé des contacts.
Lorsque Marc Duveau, directeur de la collection « Legend » chez Fleuve Noir, a publié « Le Niwaâd », « La Porte des ténèbres », et réédité « Le Neuvième cercle », je lui ai fait passer « L’Arpenteur de mondes ». Ce roman ne pouvait pas s’intégrer dans la collection « Legend » qui ne comprenait que des romans de Fantasy, pourtant il avait tellement plu à Marc qu’il m’avait promis de l’éditer quand même s’il ne trouvait pas une autre solution, même s’il s’agissait d’une « hérésie » par rapport au contenu de sa collection. Cela n’a finalement pas été nécessaire, puisque Patrice Duvic, à qui Marc a passé le manuscrit, a adoré l’histoire. Il a fait une entorse à sa règle de ne publier que des auteurs de Fantastique anglo-saxons, et « L’Arpenteur de mondes », puis « L’Aigle de sang », sont sortis chez Pocket Terreur.
Si nous parlions de la genèse de ces romans ?
Tiens tant que je te parle de genèse, j’ai cru ressentir un auteur appréciant les mythes, les écrits tournant autour des religions, me trompé-je ?
Tu as raison. Mais beaucoup d’auteurs de Fantastique s’en nourrissent, notamment Masterton. Pour moi, c’est un peu un passage obligé pour produire ce genre de littérature. Cependant, cela ne représente pas une contrainte, plutôt un plaisir, puisque je suis un passionné d’Histoire en général, et d’Histoire des Religions en particulier. L’eschatologie, l’étude des mythes de fin du monde, m’intéresse particulièrement. Cela m’a permis de construire « L’Arpenteur de mondes » sur l’Apocalypse de St Jean, « L’Aigle de sang » sur le Ragnarok scandinave, et « Le Maître des ombres » sur les croyances mazdéennes.
Mon intérêt ne se limite pas à une matière utile pour bâtir une histoire. J’ai une vraie fascination pour les courants mystiques, et les personnages de chacun de mes romans sont tous plus ou moins en quête de transcendance. J’essaie de m’interroger sur ce que sont le Bien et le Mal, la lumière et l’obscurité, dont l’affrontement constitue pour moi la base d’un bon roman épique ou fantastique. Dans la saga du « Neuvième cercle », je crée des religions, et chaque volume contient son lot de prêtres ou d’ermites mystiques en recherche de réponses, recherche qui peut les conduire d’ailleurs sur de très mauvaises voies. Dans mes romans fantastiques, on trouve des personnages secondaires de rabbins spécialistes de la Kabbale, de moines orthodoxes tourmentés, d’ex séminaristes torturés, de pasteurs exaltés, et je confronte chaque religion à la problématique du Bien et du mal, pas forcément à l’avantage des religieux d’ailleurs.
Je précise qu’à titre personnel je suis athée, et fervent laïc. Je crois en la dimension spirituelle de la vie (je ne pense pas que nous nous résumions à un amas de cellules générant de la pensée) et je respecte profondément toute recherche spirituelle individuelle. C’est lorsque cette recherche se transforme en un faisceau de certitudes que l’on croit bon d’imposer aux autres que tout commence à déraper.
Quels sont tes projets ?
Le prochain roman qui doit paraître chez Voy’el s’appelle « Gospel ». Bonne transition avec la question précédente puisque l’histoire est une transposition des évangiles dans le Delta du Mississipi à la fin des années vingt. L’écriture est achevée, mais la parution tarde parce que nous voulions faire, avec Corinne Guitteaud, un « objet-livre » différent de ce qu’on a l’habitude de trouver. Il y a notamment un gros travail d’illustration, et il y aura possibilité d’accéder à des bonus graphiques, musicaux et documentaires sur la toile. Du coup c’est un peu plus compliqué qu’un simple bouquin, et plus long à mettre en place.
Tous mes autres projets ne concernent pas l’écriture romanesque, mais scénaristique.
est ce que l’écriture à 4 mains t’a un jour tenté ?
Jamais pour mes romans ou nouvelles. Je ne saurais pas comment m’y prendre. L’écriture romanesque est pour moi quelque chose de trop intime pour pouvoir être partagée. Je ne supporte même pas que ma femme regarde par-dessus mon épaule quand j’écris !
Par contre, c’est très différent pour l’écriture scénaristique. J’ai toujours travaillé avec une coscénariste depuis que je me suis lancé, et c’est un plus évident. Mais la façon d’écrire un scénario n’a rien à voir avec l’écriture romanesque. En tout cas en ce qui me concerne. On passe son temps à défaire, refaire, décaler, déplacer, rajouter, retrancher… C’est facile de s’y mettre à deux ou à plusieurs. Ecrire un roman a quelque chose de plus « sacré », intérieur. Je dis toujours que c’est une expérience de « channeling ». On est tout seul avec la petite voix intérieure. Difficile de mettre une autre personne là-dedans !
L'arpenteur de MONDES / rapide chronique. Des suicides au coeur de sectes satanistes, un massacre dans une ferme et Vigdis Gehrke se retrouve persuadée que la bête de l'apocalypse est arrivée sur Terre. Ce qu'elle ignore, c'est qu'elle a choisi de revêtir une forme peu ordinaire. Sue un thème classique, Jean Christophe Chaumette bâtit une intrigue formidable, mêlant jeux vidéos en ligne, pouvoir de l'argent, croyances, mythes. On est happés dans la lecture et on ne repose le bouquin qu'avec grand peine. En effet, le roman devient très vite addictif et on suit les différents protagonistes à travers le monde. L'équipe hétéroclite qui affrontera l'arpenteur de mondes, une partie négative de Dieu est détonnante. Couronné par le Prix Masterton en 2001, L'arpenteur de Mondes mériterait d'être adapté par un cinéma fantastique trop souvent moribond. C'est un excellent roman. Et JC Chaumette confirme son talent.
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